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Forum des Halles:la vie de chantier

Imaginée par les architectes Patrick Berger et Jacques Anziutti, la Canopée a été inaugurée en avril dernier. Cette étape n’a pas mis un point final à la rénovation du Forum des Halles et de son quartier. Il reste encore au moins deux ans de travaux. Visite guidée avec ceux qui y travaillent et y passent.

Paroles de…

Vendeurs à la Fnac des Halles, Philippe et Samuel sont d’accord sur le constat:

C’est plus aéré, plus lumineux… Avant, c’était un carré oppressant, qui avait mal vieilli.

En revanche, ils n’ont pas le même avis sur la prouesse architecturale de Patrick Berger et Jacques Anziutti concernant la Canopée. Pour Samuel, c’est une réussite. Philippe concède que:

c’est une belle œuvre... je n’aime pas du tout la couleur caca d’oie.

Le forum des Halles affiche une toute nouvelle transparence.

Cette famille suédoise découvre la capitale parisienne, et a trouvé les Halles en sortant du métro.

C’est la première fois que nous venons à Paris. Nous ne savions pas que cet endroit avait été rénové. C’est très beau, très clair.

Plus loin, cette mère et sa fille, venues du Val d’Oise, retrouvent les joies du shopping. La mère raconte:

C’est dommage que le chantier ne soit pas encore fini. J’avais arrêté de venir à cause de la mauvaise fréquentation du lieu, parce que je ne m’y sentais pas à l’aise.

Anne-Sophie et Doriane, mère et fille, sont venues du Val d’Oise ce mardi midi.

Sa fille approuve. Un bémol quand même pour la mère:

Pas facile de se retrouver dans le parking souterrain, dont la signalisation n’est pas intuitive. On se retrouve un peu perdu dans un tunnel…

Portrait du serveur du Bistrot du Louchebem

Erwän, serveur depuis quinze ans au Café du Louchebem, situé coté Seine, s’énerve en voyant les retards successifs du chantier des Halles :

Je ne vois que des galères. On a forcément eu une perte de fréquentation importante: comme les gens ont une heure pour déjeuner, les clients qui venaient de Montorgueil, ne pouvant plus traverser le jardin, sont restés en face et ont pris de nouvelles habitudes.
En plus, les préfabriqués n’ont pas été enlevés, contrairement à ce qui avait été promis. Ils ont même rajouté un étage. Donc cela nous cache complètement des clients qui sont au Forum des Halles.

Les commerçants subissent les conséquences du chantier depuis des années: l’empilement des cabines de chantier (au fond à droite)

Outre les conséquences professionnelles, le serveur du Café du Louchebem est exaspéré:

Pour venir au travail, c’est compliqué. La rénovation des gares RER fait que les trains sont souvent en retard ou supprimés. En surface, il y a de moins en moins de place pour stationner. La rue des Prouvaires (où est la terrasse, NDLR) doit devenir piétonne. Donc on va reprendre une couche d’inconvénients avec la réfection du trottoir. Certains chantiers ne sont pas finis faute de pognon! Il y a des malfaçons dans la Canopée et le chiffrage budgétaire qui s’envole... On a dépassé le milliard d’euros au total.

Puis, il le résume lui-même:

Pour l’instant, je ne vois que des inconvénients,
même si on sait que ça finira un jour…

Les jours de fin de travaux se comptent… encore deux ans.

A travers l’Histoire, les projets de rénovation des Halles ont toujours marqué Paris.

Forum des Halles, en chantier depuis toujours

De l’origine des Halles, l’on retiendra qu’elles furent créées par Louis VI dit Le Gros. En quelle année? En 1137… année de sa mort. Un mauvais présage?

Les Halles Baltard au XIXè siècle

C’est en tout cas l’avis de ceux qui voient dans l’histoire des Halles une succession de décisions contestables et contestées. Mais à Louis Le Gros, l’Histoire a préférée Baltard et Zola. De Victor Baltard, l’on retiendra sa victoire lors du concours d’architecture lancé par Napoléon III en 1848. L’Empereur veut « des parapluies », Baltard livre douze pavillons de métal et de verre entre 1854 et 1872.

Des pavillons immortalisés par Emile Zola dans « Le ventre de Paris » en 1873. Des pavillons pourtant sacrifiés sur l’autel de la modernité. Rungis – crée en 1969 – a eu raison des Halles Baltard ! Pompidou, lui, ordonne leur démolition en 1971!

Démolition des Halles de Baltard en 1971, sous Pompidou

Une décision contestable – et contestée par une pétition ayant recueilli plus de 100 000 signatures – qui laisse un énorme espace vide en plein cœur de la capitale. Qu’en faire? Si Pompidou ne s’est guère posé la question, Valéry Giscard d’Estaing, lui, joue la carte Bofill. Une décision là encore contestée notamment par le maire de Paris, un certain Jacques Chirac, qui met un terme à l’aventure Bofill en décrétant:

L’architecte des Halles, c’est moi!

Voilà qui a le mérite d’être clair! Les architectes Claude Vasconi et Georges Pencreac’h sont retenus pour dessiner le Forum des Halles tel qu’on la connaît aujourd’hui: un centre commercial.

Le « Ventre de Paris », sacrifié sur l’autel de la consommation, trouve son nouveau visage. Un visage dont les Parisiens vont s’accommoder bon an, mal an et au chevet duquel va se pencher la ville de Paris sous l’ère Delanoë. L’idée est de lui offrir un nouvel écrin. Reste à se mettre d’accord sur le nom de l’architecte. David Mangin, Jean Nouvel, Rem Koolhas, Winy Maas, qui va l’emporter? David Mangin l’emporte haut la main, quoique… Le carré de verre de 140 mètres de côté qu’il a imaginé pour servir de toit aux Halles ne convainc pas. Un camouflet!

Sous la Canopée, vue sur les trois niveaux du centre commercial

C’est donc à Patrick Berger que reviendra l’insigne honneur de designer le nouveau symbole des Halles: la Canopée. Qu’en dit son créateur? (Source: Le Figaro du 06/04/2016)

Imaginez que l'entrée de Paris se fasse en son centre, en passant par en dessous, au milieu d'une place publique, abritée par le feuillage de ses arbres, de leur Canopée. C'est cette idée qui a été traduite ici architecturalement.
Coût de cette idée? 200 millions d’euros de dépassement de budget! Et des travaux qui n’en finissent pas.

Y a t-il encore des désagréments? Les visiteurs et touristes semblent profiter du quartier et de la Canopée en cette fin d’été 2016.

Silence, les travaux continuent

Un ouvvier porte son seau, à la porte du jour
L'ouvrier rempli de goudron des seaux brûlants, servant le revêtement d'étanchéité
L'ouvrier choisit et ajuste les pavés avant de les poser un par un, au sol
Une mini pelleteuse s'active dans la partie du parc en chantier
Le gondron se déverse dans des seaux que l'ouvrier positionne un a un
L'ouvrier pose des parpaings avec son niveau
Les cordes tendues facilitent l'alignement des pavés où se dessinent de futurs motifs au sol
L'accès au magasin est assuré pendant que les ouvriers lissent le revêtement du sol
Un ouvrier en pause à l'ombre de l'église Saint Eustache

Belle surprise d’entendre les cloches de l’église Saint-Eustache sonner sur le parvis, côté jardin de la Canopée. Ainsi toutes les heures, nous voici réconciliés avec les nuisances sonores des travaux… passées?

Les passants s’entendent parler

Les nuisances sonores sont quasi absentes: les ouvriers s’activent sans masquer la conversation des passants. Les nuisances sonores des travaux ne dépassent pas celles du trafic automobile parisien! Seuls les camions de chantier ronronnent.

Une pause dans la verdure, plus fluide que dans le précédent jardin en labyrinthe.

La partie du jardin, encore en travaux, porte sur les travaux en surface: revêtement d’étanchéité et pose des pavés. Dans le parc à jeux, les enfants jouent, tandis que les promeneurs profitent du jardin fini.

Place aux piétons

Les piétons côtoient les allées, occupées à moitié par les travaux de revêtement du sol: seule l’odeur du goudron en sortie du camion à 200°C rappelle le chantier en cours. Ici encore, les camions des travaux constituent la seule gêne sonore. D’autres ouvriers posent les pavés qui sont agencés un à un et fixés habilement par des coups de maillet.

La rénovation des Halles en chiffres

Dates

  • 2011, début des travaux
  • 5 avril 2016, inauguration de la Canopée
  • 2018 fin des travaux sur la station RER-métro et le jardin dessiné par David Mangin

Quantités et dimensions

  • 18.000 « écailles » de verre pour la Canopée
  • 56 mètres de hauteur
  • 8.000 tonnes, comme la tour Eiffel

Commerces et personnes

  • 6.000 mètres carrés d’équipements culturels
  • 8.000 mètres carrés de commerces
  • 150 enseignes contre 115 auparavant
  • 750.000 passagers quotidiens en RER-métro
  • 300.000 personnes quotidiennes dans le quartier dont 50% fréquentent le centre commercial

Coûts

  • 450.000 euros d’entretien par an
  • 1 milliard d’euros de coût global (dont 240 millions euros pour la Canopée)

Le patio Pina Bausch est abrité par la Canopée qui pèse 8.000 tonnes, poids égal à la Tour Eiffel.

Reportages, photos et textes: Agnès Aurousseau, David Fréon et Cécile Nguyen

Et vous?
Avez-vous déjà visité le nouveau forum des Halles abrité par la Canopée? Vous vous êtes promené(e) dans le nouveau jardin? Partagez votre expérience dans la partie commentaires ci-dessous.

Cécile Nguyen

View Comments

  • Ce document est très instructif, explicite et structuré. Un plus pour le renvoi vers les documents annexes (ex canopée). A lire absolument.

    Je connaissais les anciens Halles, ils faisaient partie de mon enfance. La démolition de ce patrimoine Parisien me laissa un goût amère.
    Merci de m'avoir fait découvrir ce merveilleux édifice. Je n'avais pas eu connaissance de ce projet grandiose.
    L'architecture est magnifique. et plus particulièrement la toiture. Les espaces verts sont magnifiques. Ce bâtiment s'intègre bien dans le site en harmonie avec les constructions avoisinantes. Ça donne envie de résider à proximité.
    Merci de m'avoir donner envie de visiter cet établissement.

    • Christian, je suis certaine que vous apprécierez davantage la Canopée au retour des beaux jours😉

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Published by
Cécile Nguyen

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